Stress post-traumatique : quels mécanismes en jeu ?

 

La souffrance psychique est  intense chez les personnes souffrant de troubles post-traumatiques, impactant de nombreux domaines dans leur vie sociale et professionnelle. Quels mécanismes sont impliqués dans l’état de stress post-traumatique ?

Guillaume Nguyen, psychologue à Pézenas (Hérault)

Aujourd’hui les avancées de la science ont permis une bien meilleure compréhension des troubles post-traumatiques.

Sans limite dans le temps, les effets du trauma sont dévastateurs et génèrent de grandes souffrances. Ces troubles représentent un problème grave de santé publique. Dépression, troubles anxieux, troubles somatiques chroniques, addictions, tabagisme, troubles des conduites, troubles du sommeil sont souvent associés à ces problématiques.

L’état de Stress Post-Traumatique : une clinique relativement récente

Avant le début du 20e siècle, on retrouve quelques traces des symptômes dans les archives médicales, mais pas de description clinique approfondie ni de recherche.

Je regardais récemment une intervention filmée du Pr Louis Crocq (Psychiatre des armées, fondateur des Cellules d’Urgence Médico-Psychologiques) qui rapportait certaines évocations durant les guerres napoléoniennes. Certains médecins militaires parlent du « vent du boulet », dont le souvenir traumatisant tourmente certains soldats jour et nuits.

Les traumatismes de la Première Guerre Mondiale

Le conflit mondial de 1914-1918 a retranché l’humain dans des atrocités jamais égalées en intensité et en nombre. Une génération dans la boue, le sang et la poudre, subissant les ravages du feu et des baïonnettes.

Les médecins militaires furent soudainement confrontés à des manifestations comportementales alors inconnues : des hommes sidérés, tremblants, hagards, comme « figés » dans la terreur. Les archives du cinématographe ont conservé des pellicules de ces cas très impressionnants de ces nouvelles maladies mentales surnommées à l’époque « obusite« .

Comment soigner ces souffrances inconnues ? Comment les comprendre ? C’est à partir de ce moment que la commence réellement à s’intéresser à ces pathologies.

L’état de stress post-traumatique

C’est quoi le trauma ?

Le trauma est un choc. La personne a été exposée à une émotion très violente qui a submergé son psychisme. La scène est impensable au sens propre comme au figuré: son cerveau n’a pas eu la capacité de traiter la scène et l’affect, ni d’enclencher une réaction adaptée. Pourquoi ? Certainement du fait de l’impréparation face à la soudaineté d’une part, absence totale d’expérience et de connaissance sur l’événement d’autre part.

Ce débordement cause littéralement une blessure psychique. Le psychotraumatisme va alors commencer à s’organiser autour du trauma.

Les symptômes intrusifs

Les réminiscences du trauma font sans cesse irruption, on parle de symptômes intrusifs. Il s’agit de cauchemars répétitifs, de flash-backs, d’hallucinations, qui témoignent de l’activité de la mémoire traumatique.

Sur les images des soldats de la Grande Guerre, on peut les observer en train de revivre leurs scènes traumatiques, comme « figés » dans la terreur qu’ils ont vécue.

Ces réminiscences peuvent ressurgir n’importe quand. Le moindre signe susceptible de rappeler l’événement (détail physique, odeur, date, impression, objet…) déclenche à nouveau la détresse avec la même intensité et ce même des années plus tard.

Les symptômes neurovégétatifs

Référence éminente en matière de psychotraumatisme, le Dr Muriel Salmona compare  ainsi la mémoire traumatique à un « terrain miné ».

Cette habile comparaison nous fait supposer l’état d’hypervigilance dans lequel on se trouverait en foulant un sol miné : appréhension à tout moment de sauter sur une mine, large contournement si les mines ont été balisées.

Les personnes traumatisées présentent justement un état d’hypervigilance avec tous les symptômes neurovégétatifs associés : sursauts, troubles du sommeil, palpitations, sueurs…

Les comportements d’évitement

Il y a un effort permanent d’évitement de la mémoire traumatique : ce « terrain miné » dont parle Muriel Salmona. Eviter certains lieux, certaines situations, certains détails ou sensations qui peuvent réactiver la détresse vécue pendant le trauma.

L’évitement est un des critères spécifiques du stress post-traumatique.

Le stress post-traumatique : comment ça se passe dans le cerveau ?

Les avancées de la médecine ont permis de mieux comprendre les mécanismes dans les zones de cerveau, notamment au niveau des amygdales et de l’hippocampe situés dans le système limbique.

Amygdales, hippocampe et cortex

Si j’explique de façon simple, les amygdales sont des petits organes impliqués dans les signaux émotionnels, particulièrement la peur et l’anxiété.

L’hippocampe, lui, stocke notamment la mémoire des expériences, les apprentissages. Comme un « disque dur », il accumule à mesure du développement le traitement des expériences qu’il a connues. Il va donc traiter le signal des amygdales et envoyer des informations au cortex, afin d’influer sur la conduite à adopter.

Face à un danger, ces zones (et d’autres) vont s’activer et mobiliser une forte quantité d’énergie immédiatement pour traiter la situation (prendre la fuite par exemple).

Dans le cas d’un trauma

Maintenant que se passe-t-il si la personne est soudainement confrontée à un événement jamais envisagé, avec une terreur d’une ampleur jamais connue ? Par exemple un accident de la route, un attentat ou une grave agression.

L’hippocampe n’a pas d’information en mémoire : il ne sait pas comment traiter ce signal d’alerte qui n’a aucun sens pour lui, aucune expérience connue.

Durant l’alerte, les productions massives d’adrénaline et de cortisol sont dangereuses pour le corps, notamment au niveau du cœur et du cerveau. Cette surstimulation engendre un risque de « survoltage » au sens propre du terme (arrêt cardiaque, AVC…).

La dissociation péri-traumatique

Face cet afflux débordant de stimulations, un phénomène de disjonction va se produire au niveau des amygdales : ces dernières vont se « déconnecter » pour protéger le corps et le psychisme du stress extrême. La personne ne ressent plus la douleur psychologique, ni même la douleur physique.

Le cerveau va également produire des hormones spécifiques pour anesthésier le système émotionnel.

Appelé dissociation péri-traumatique, ce mécanisme de survie est mis en place pour faire face à l’événement traumatique. Les personnes décrivent souvent une sensation à ce moment d’irréalité, d’étrangeté, de dépersonnalisation, de perception ralentie du temps, d’avoir agi comme en « pilote automatique », comme déconnecté d’eux-mêmes.

La mémoire traumatique

Du fait de cette déconnexion, la mémoire traumatique reste donc piégée dans les amygdales. Elle n’a pas la possibilité d’être traitée par d’autres zones du cerveau: elle erre dans le psychisme, comme tournant à vide ou en boucle, sans possibilité de s’embrayer sur un récit, une histoire, une quelconque production de sens.

C’est précisément ce qui explique les réminiscences (cauchemars, flash-backs, hallucinations) dont souffrent les personnes traumatisées. Les amygdales s’allument en permanence et réactivent la détresse traumatique.

De nombreuses personnes souffrant de ces troubles présentent des addictions (toxicomanie, tabagisme, alcoolisme, troubles alimentaires…) ainsi que des conduites à risque (conduite dangereuses sur la route, scarifications, bagarres, conduites sexuelles à risque…). Ces comportements cherchent en fait à éteindre le stress : soit par ingestion d’un toxique (drogues dures, cannabis, alcool…) soit en se recréant un stress extrême par conduites à risques afin de provoquer à nouveau des mécanismes de disjonction et d’anesthésie émotionnelle.

Pour aller plus loin dans la compréhension de ces mécanismes, vous pouvez consulter remarquable site memoiretraumatique.org. Vous y trouverez notamment les descriptions très précises du psychotraumatisme par Muriel Salmona, référence internationale en matière de psychotraumatisme.

Quels traitements pour les traumatismes ?

Les CUMP

D’un point de vue préventif, il est important d’intervenir après l’événement, solliciter l’écoute et la disponibilité de professionnels.

Je cite l’exemple des Cellules d’Urgence Médico-Psychologique (CUMP) qui mobilisent immédiatement des professionnels de santé lors d’événements traumatisants.

Des psychiatres, psychologues et infirmiers formés accueillent et écoutent les personnes dans les heures qui suivent l’événement (catastrophe, attentat, accident…). Les CUMP visent essentiellement à réduire le développement de troubles post-traumatiques.

Le fait de pouvoir proposer à la personne sa disponibilité et son écoute est une première démarche pour contenir les émotions très intenses que les personnes traversent.

Les professionnels qui font face à des situations potentiellement traumatisantes (policiers, pompiers, personnel humanitaire…) utilisent aussi la technique du débriefing psychologique. Il vise à réduire l’apparition de troubles post-traumatique par un entretien structuré, individuel ou collectif, mis en place dans les deux ou trois qui suivent l’événement.

Les solutions thérapeutiques

Au cours d’une psychothérapie, les vécus traumatiques sont abordés par le sujet, progressivement et dans le filet de la relation.

Le cadre contenant de la psychothérapie et la relation de confiance peuvent permettre d’accompagner la personne en souffrance. Il importe qu’elle puisse mieux comprendre ce qui lui arrive en l’aidant à identifier les manifestations du psychotraumatisme dans sa vie quotidienne, afin de mieux y faire face.

Le travail psychothérapique cherche à retisser dans l’échange les ruptures produites par le trauma, relancer la possibilité de penser (et non panser !) ce qu’il s’est passé.

Certaines méthodes spécifiques se sont par ailleurs développées. Je pense particulièrement à l’EMDR (Eyes Movement Desentization Reprocessing) ou intégration neuro-émotionnelle par mouvements occulaires qui consiste à diminuer la charge émotionnelle associée au souvenir traumatique.

La méthode consiste à remettre en jeu certaines circulations au niveau du système nerveux cérébral pour produire à nouveau les connections entre le souvenir et les affects associés. Pour cela, le thérapeute va mobiliser la sensorialité de la personne via des mouvements oculaires, tactiles ou sonores.

Globalement, l’accompagnement du psychothérapeute peut aider à relancer une activité de pensée et réduire la souffrance et les symptômes. En introduisant des mots, en nommant certains états émotionnels, en permettant à la personne l’expression de son vécu, il n’efface pas le souvenir traumatique mais lui permet plutôt de s’arrimer à quelque chose, d’être réintégré dans l’activité de pensée et l’histoire de la personne, de relancer une continuité dans sa trajectoire de vie.

G. NGUYEN

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