Les difficultés de sommeil sont fréquentes durant le développement d’un enfant. Parfois un trouble du sommeil s’installe: les professionnels de la petite enfance peuvent aider les familles.
Guillaume Nguyen, psychologue et psychothérapeute à Pézenas
Si la qualité du dodo est un indicateur de l’état psychique et émotionnel chez les enfants, parler d’un trouble du sommeil nécessite toutefois certains critères de fréquence et de durée dans le temps.
Les difficultés d’endormissement et les réveils nocturnes sont en effet fréquents au cours du développement, particulièrement durant la première année de vie avec les processus de maturation du cerveau, la prévalence du cycle de sommeil dit « agité », l’instauration des cycles jour-nuit…
Accompagné par ses parents, l’enfant ajuste progressivement son horloge biologique avec les alternances journée-nuit et faim/satiété. Vers six mois, il n’a généralement plus besoin d’être alimenté la nuit.
Quand le bébé « fait ses nuits »
Au sortir de la vie intra-utérine, le bébé ne fait pas encore la différence entre la journée et nuit.
C’est vers 3-4 mois qu’il commence à mieux différencier l’une et l’autre, à « faire ses nuits » c’est-à-dire enchaîner 5-6h de sommeil consécutives sans éveil majeur.
Quand on parle du bébé « qui fait ses nuits », il faut aussi parler d’un bébé qui ne réveille pas ses parents ! Les nourrissons s’éveillent en effet souvent la nuit, notamment dans les interstices entre les cycles de sommeil. Mais à mesure qu’ils se développent, ils accroissent leur capacité à pouvoir s’auto-apaiser et se rendormir seuls.
S’endormir seul
C’est une compétence qui se développe chez le bébé, il la mobilise en utilisant ses propres ressources, accompagné par ses parents. Il porte par exemple ses doigts à sa bouche, babille, s’empare d’un coin de couverture à suçoter, du linge laissé par sa maman et imprégné de son odeur, d’un doudou…
Il peut de la sorte trouver quelque chose qui le rassure, faire exister une présence avec son doudou pour apaiser son angoisse de séparation.
Si je parle de ces capacités chez le tout-petit, c’est pour souligner la confiance que les parents peuvent y attacher. Avant d’intervenir, ils peuvent compter sur cette faculté pour lui laisser d’abord une chance de s’endormir ou se rendormir seul.
En répondant immédiatement à ses pleurs, en le prenant dans les bras, le risque est de ne pas lui laisser développer suffisamment sa capacité à se rendormir seul, à créer ses propres ressources. L’enfant s’habituera à ne compter que sur l’autre pour se rassurer et se rendormir, l’exigera même, ce qui sera rapidement source de tension et d’épuisement pour la famille.
Cela ne signifie pas pour autant de le laisser pleurer durant des heures. Le bébé doit bien sûr pouvoir compter sur ses parents ! S’il a trop de difficulté à retrouver le sommeil, ils vont ainsi lui apporter un sentiment de sécurité par les caresses, une berceuse, une étreinte rassurante et pleine d’amour.
L’importance réside certainement dans le juste milieu, l’équilibre dans la sollicitation des compétences de chacun. Aussi les échanges et la communication entre les parents est-elle cruciale pour toujours mieux s’accorder à l’enfant, ses besoins et son rythme.
Premiers conseils
Des conseils et recommandations partagés avec le médecin traitant, le pédiatre, la puéricultrice ou encore les proches seront toujours aidants.
On trouve aussi des ressources très intéressantes sur certains sites web spécialisés mis à disposition de la population, comme par exemple celui du réseau professionnel Morphée dont le site est une mine d’informations et une référence fiable concernant le sommeil.
Habitudes et hygiène de sommeil
Après avoir écarté les origines organiques (démangeaisons, douleurs, asthme…), une importante part des troubles du sommeil est souvent liée à une mauvaise hygiène de sommeil ou des habitudes à modifier.
Le tout-petit peut prendre certaines habitudes comme s’endormir-se rendormir dans les bras ou en présence de l’adulte, il faut alors s’attendre à ce qu’il réclame l’adulte systématiquement et qu’il ait le plus grand mal à s’en défaire.
Il en va de même pour les tétées nocturnes persistant au-delà de six mois, l’enfant la réclamant systématiquement pour se rendormir.
Un environnement calme
Afin de préparer le sommeil, les parents doivent s’organiser pour prémunir l’enfant du bruit et de l’agitation quand le coucher approche.
Attention aux dangers des écrans. On l’écarte des télévisions, smartphones, tablettes, des jeux trop stimulants, du chahut avec les autres frères et sœurs, on privilégie les activités calmes.
Préparer l’enfant à la séparation de la nuit
L’état émotionnel de l’enfant et son sentiment de sécurité intérieure a une incidence importante sur la qualité de son sommeil.
La séparation de la nuit peut être vécue difficilement, source d’anxiété. Quand il est bébé, ses figures d’attachement ne sont pas encore stables ou bien intégrées en lui, il ne peut pas encore complètement « penser à sa maman ou son papa », c’est-à-dire faire appel à une image intérieure et permanente d’eux pour s’apaiser.
C’est dans les alternances présence-absence et la sécurité chaque fois des retrouvailles qu’il va progressivement pouvoir faire exister en lui ses figures d’attachement quand il est seul, y trouver une ressource affective. Il va ainsi solidifier sa base de sécurité intérieure et progressivement mieux tolérer la séparation.
L’importance du rituel du coucher
C’est donc en aménageant le coucher de l’enfant que ses parents vont le préparer à la séparation, notamment en instaurant une routine avant le dodo.
Cela signifie qu’ils précèdent la nuit d’étapes rassurantes : le bain, le repas, la petite histoire, la berceuse, le câlin… autant de repères pour lui, de « bornes » sur le petit chemin du coucher.
« Après le bain, on mange ». « Après le repas, on lit la petite histoire » etc. Par leur régularité, les parents vont lui permettre de compter sur ces repères, d’anticiper la suite de chaque étape.
L’enfant intègre bien la succession des étapes au bout desquelles se trouve le coucher. Il peut compter dessus pour s’y préparer bien avant que celui-ci n’arrive.
Les activités calmes (lecture d’une histoire, berceuse…) vont amorcer l’endormissement. Les parents vont pouvoir laisser l’enfant s’endormir tout seul grâce à la qualité de cette préparation. Elle lui permet en quelque sorte d’accumuler une grande dose d’amour et de sécurité pour se lover rassuré dans les bras de Morphée.
La chambre
La disposition de la chambre peut aussi être aménagée pour être plus rassurante pour l’enfant. Il a besoin d’appuis, sentir par exemple le soutien de son dos par un matelas ferme et plat. Peut-être se sent-t-il par ailleurs mieux lorsqu’il est positionné contre le côté du berceau ou lorsque le lit est collé dans l’angle de la chambre.
S’il a peur du noir, une veilleuse ou une porte entrouverte chassera plus facilement les monstres. Un attrape-rêve éloignera les cauchemars.
L’orientation du lit peut par ailleurs être importante. Face à la porte, un enfant peut-être plus rassuré d’identifier tout de suite qui rentre dans la chambre. Il peut aussi beaucoup apprécier le fait de voir le frère ou la sœur s’il n’est pas seul à dormir dans la pièce.
Le jour et la nuit
Si le bébé a des difficultés à réguler son rythme jour-nuit, les parents peuvent aider l’enfant en accentuant les caractéristiques de l’une et l’autre période de la journée. Forcer le trait en quelque sorte :
« je vais aider ton corps à mieux sentir quand c’est le jour et quand c’est la nuit ».
L’enfant bien stimulé la journée (lumière du jour, volets grands ouverts, ballades, jeux, sorties…) et stimulé le moins possible la nuit (allaitement dans une demi-obscurité, réductions du ton de la voix, étreinte en silence…) percevra davantage les contrastes qui rythment la journée, avec les modulations d’intensité naturellement associées.
Les problèmes persistant liés au décalage des heures (endormissement tardif et réveil tardif le matin) peuvent finir par s’améliorer en régularisant progressivement ses horaires de lever, de sieste et de coucher. Si l’enfant a une difficulté à pouvoir se rendormir sans une tétée nocturne après six mois, la maman peut diminuer la quantité de lait, espacer les tétées et en diminuer progressivement la durée.
L’agenda du sommeil
L’agenda du sommeil est un support intéressant qui peut aider les parents à mieux identifier le rythme, le temps de sommeil du petit.
Sous la forme d’une grille incluant plusieurs paramètres et sur plusieurs jours consécutifs, il donne une visibilité plus claire notamment sur les périodes sensibles.
En observant la vigilance et la concentration du bébé en fonction de ses heures de sommeil, de ses siestes, les parents cerneront davantage les besoins de leur bambin, ce qui les aidera à s’y ajuster.
La consultation thérapeutique
Si pertinents ou pleins de bonnes intentions puissent-ils être, les conseils et les recommandations ne permettent pas toujours de modifier la situation. C’est dans ce cadre là que les familles peuvent se tourner vers des consultations ou des prises en charge spécialisées.
La consultation thérapeutique peut être un soutien précieux pour accompagner les familles. D’autres difficultés sont souvent sous-jacentes au symptôme : épuisement familial, souffrance psychique chez le ou les parents, trouble plus important chez l’enfant, tensions dans le couple, dépression, troubles anxieux, stress post-traumatique etc…
La consultation thérapeutique ouvre la famille à un échange sur leur enfant, sur les relations entre chacun, sur les compétences parentales comme celles du petit. Ce sont eux les premiers thérapeutes de l’enfant, il importe de leur permettre une réassurance.
Ce sont eux qui savent et ils ne savent pas toujours à quel point ils savent !
Mais chacun est parent en fonction de ce qu’il est, de son histoire, de ses vécus, de sa filiation, de ses souffrances et ses espoirs. On présente le monde à l’enfant en fonction de comment on perçoit ce monde, comment on le vit ou comment on l’a vécu et construit.
Je parlais récemment des représentations que peuvent avoir les parents autour de l’éducation, il en va de même pour la représentation d’un enfant, de son sommeil, de son alimentation, de ses pleurs etc.
Durant les consultations thérapeutiques, l’échange permet d’écouter la subjectivité mobilisée autour de l’enfant. Si tel papa ou telle maman exprime par exemple une résonance particulière pour lui dans le vécu des pleurs ou de l’opposition de son enfant, alors il touche quelque chose.
Cela a certainement toute son importance dans la réponse qu’il donne à ces pleurs ou aux colères du petit.
Si un parent perçoit son enfant comme fragile, alors ses attitudes parentales vont se comporter en tant que tel. Il va accourir à la moindre détresse, s’affoler, consoler, accompagner, porter, quand d’autres vont y accorder moins d’importance, davantage laisser l’enfant solliciter ses ressources.
Je me souviens d’un petit garçon et sa famille venus consulter pour des troubles du sommeil. J’avais rapidement observé combien le sommeil du petit était vécu de façon anxiogène par la maman, en proie à d’intenses angoisses. Les premiers mois, elle n’avait pas quitté son bébé la nuit pendant plusieurs mois, vérifiant des dizaines de fois par nuit « qu’il respirait encore ». Plus tard, elle repassait plusieurs fois par nuit voir si tout allait bien.
Elle se rendait compte durant la consultation combien le sommeil avait été présenté à son enfant de façon anxiogène. L’accompagnement avait beaucoup aidé la maman à prendre conscience de ces manifestations et ce qui faisait souffrance en elle, dans son histoire.
En parallèle au suivi en pédopsychiatrie, elle avait fini par s’engager dans une psychothérapie personnelle auprès d’un collègue, ce qui l’avait considérablement apaisée.
Il est toujours très riche pour les parents d’échanger autour de l’enfant, découvrir en soi et chez le(la) coinjoint(e) des perceptions qui n’étaient pas forcément conscientes, parfois pouvoir mieux replacer aussi tel ou tel comportement de l’enfant dans son développement (par exemple les période oppositions vers 18-24 mois ou encore à l’adolescence).
Prendre conscience c’est la possibilité de modifier son regard et son attitude, s’ajuster d’une autre façon.
La dimension soutenante et sécurisante (empathie, confidentialité, non-jugement, écoute bienveillante…) de la consultation thérapeutique fournit des appuis aux parents. Ils ne viennent pas chez un « expert » : ils viennent chercher des appuis qui vont leur permettre une réassurance suffisante pour donner, à leur tour, des appuis à leur enfant.
Guillaume NGUYEN
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