Dyspraxie chez l’enfant : repérage, diagnostic et accompagnements

 

La dyspraxie est un trouble beaucoup mieux accompagné aujourd’hui. Impactant la coordination motrice, elle peut être très invalidante dans la scolarité des enfants concernés.

Guillaume Nguyen, psychologue et psychothérapeute à Pézenas

Je tenterai dans cette publication d’aborder avec des mots simples la question de la dyspraxie, dans ses manifestations, ses modalités de repérage, de diagnostic et d’accompagnement.

Si la dyspraxie est un trouble dont on entend aujourd’hui beaucoup parler, il est resté longtemps assez méconnu. La prévalence avoisinerait pourtant 5% de la population. Les progrès dans le repérage et le diagnostic permettent aujourd’hui de mieux accompagner les personnes présentant ces difficultés.

Maladresse, bousculades involontaires, chutes, difficultés à s’habiller, troubles visuo-spatiaux, difficultés majeures en lecture et graphisme, hantise de l’écriture, de la géométrie, des cours d’EPS… le quotidien de l’enfant dyspraxique est souvent épuisant.

Ce trouble impacte de nombreuses sphères de la vie quotidienne et de la scolarité. Invalidant sur certains domaines, souvent mal compris par les autres, il peut être source de perte de confiance et de dévalorisation de soi.

Il existe pourtant de nombreux aménagements pour contourner ou compenser les problèmes. Les enfants dyspraxiques sont souvent très intelligents et ont besoin de supports spécifiques pour accéder à certains apprentissages.

Reste toutefois à correctement identifier les mécanismes en jeu pour apporter les meilleures aides, tant à l’école qu’à la maison.

C’est quoi la dyspraxie ?

La dyspraxie est un trouble de la coordination motrice. Elle est catégorisée parmi les troubles des apprentissages.

La personne dyspraxique est fortement impactée dans sa capacité à  coordonner, planifier et automatiser certains de ses gestes.

Comment ça se passe ?

Un geste intentionnel implique de déployer et d’articuler entres elles un ensemble d’actions.

Si je souhaite par exemple éplucher des carottes, cela va impliquer le maintien du légume dans une main et le maniement de l’économe dans l’autre, la coordination visuelle, le passage à l’épluchure suivante, le dosage de la force manuelle, l’ajustement permanent de la main gauche etc.

Ce geste que le cuisinier fait automatiquement est une somme d’actions motrices coordonnées et automatisées. Il enchaîne les épluchures comme un réflexe. Il n’a donc pas besoin d’une grande attention pour éplucher ses légumes et peut opérer des doubles tâches: il chantonne, discute, téléphone en même temps dans une oreillette etc…

Un enfant qui apprend un geste va avoir besoin de patience, de plusieurs essais, de temps pour acquérir l’assurance. Il augmentera en dextérité jusqu’à réaliser ce geste spontanément, justement parce que le mouvement devient automatisé.

Dans la dyspraxie, c’est précisément cette coordination et cette automatisation motrices qui font défaut.

Si je reprends l’exemple du cuisinier, c’est comme s’il était chaque fois confronté à sa tâche d’épluchage comme la toute première fois. Le geste n’est pas spontané parce qu’il ne peut pas s’automatiser. La personne est alors extrêmement concentrée, longue, maladroite, se fatigue très vite.

Les troubles visuo-spatiaux

Il ne faut pas oublier que la vision implique des mouvements oculaires: quand vous lisez une roman, vos yeux suivent la ligne d’écriture, sautent d’un mot à l’autre, vont à la ligne suivante etc.

Chez l’enfant dyspraxique, la coordination visuo-motrice est aussi impactée : l’enfant saute plusieurs lignes, se perd dans la phrase, se mélange dans les mots, continue à lire sur la colonne de droite au lieu d’aller à la ligne…

La dyspraxie n’est pas un problème d’intelligence !

Il est important d’évacuer les a priori dévastateurs, à commencer par celui de l’intelligence de l’enfant.

A partir du moment où l’on comprend mieux comment sont affectés les dysfonctionnements de coordination, planification et automatisation des gestes, on comprend aussi que l’intelligence de l’enfant n’est pas remise en cause dans la dyspraxie.

Ce trouble est dit « spécifique », cela veut dire qu’il n’est pas consécutif à une déficience intellectuelle, une pathologie psychiatrique ou des troubles sensoriels (déficience visuelle, auditive etc…).

Il s’agit d’un handicap cérébral très localisé. Les progrès de l’imagerie médicale ont permis d’identifier les zones du cerveau impliquées dans la dyspraxie, notamment le cervelet et la zone pariétale.

Si un enfant dyspraxique pose une opération et restitue un résultat dépourvu de toute logique, ce n’est pas une question de raisonnement. C’est tout simplement qu’il n’a pas bien aligné les chiffres et poursuivi son calcul à partir de cet alignement incorrect.

Si un enfant dyspraxique ne parvient pas à reproduire un rectangle sur une grille, c’est tout simplement qu’il ne distingue pas bien ce rectangle dans l’ensemble, comme confondu dans un amas de lignes ! Les tableaux à double entrée peuvent également mettre en grande difficulté.

Quel paradoxe alors que cette perte d’estime de soi chez des enfants intelligents et souvent très fins !

Le diagnostic vient nommer et faire reconnaître les difficultés. De là vont pouvoir être proposés des moyens d’accessibilité et de compensation.

L’entourage et le personnel scolaire vont pouvoir mieux s’adapter, proposer des supports qui conviennent à l’enfant…

La reconnaissance du handicap ouvre des droits et des aides souvent cruciales selon le degré d’invalidité : attribution d’un Auxiliaire de Vie Scolaire Individuelle (AVSI), financement de séances d’ergothérapie, prêt d’un ordinateur spécialement conçu pour l’enfant…

Le problème de la fatigabilité

Certaines disciplines scolaires demandent à l’élève des efforts très conséquents pour souvent peu de résultats, avec risque de découragement et de dévalorisation de soi en bout de chaîne.

Les dimensions les plus affectées sont généralement l’écriture et la géométrie qui confrontent le plus durement l’enfant à son handicap.

Du fait de son trouble et de la non-automatisation du geste, l’écriture requiert pour lui un effort cognitif intense.

L’énergie colossale qu’il déploie pour produire quelques lignes, il ne peut la consacrer à une autre tâche cognitive : il n’a alors pas entendu la consigne, il n’a pas prêté attention à la suite, il n’a pas suivi le reste.

L’attention et la double tâche

C’est un peu comme quand vous roulez dans l’énigmatique circulation du centre-ville de Montpellier ! Si vous cherchez votre chemin il y a de grandes chances que vous abaissiez soudainement la vitesse du véhicule, que vous baissiez le son du poste radio ou que vous sommez à votre passager de se taire pour mieux vous concentrer !

Vous avez en effet besoin de votre pleine attention pour trouver la bonne rue ou trouver la solution. Pour cela, vous réduisez instinctivement les stimulations périphériques (poste radio, vitesse, bruit…) pour augmenter votre capacité attentionnelle et la focaliser sur la recherche de votre chemin.

Quand il écrit, l’enfant dyspraxique se retrouve dans cette position. Concentré sur l’effort manuscrit, il n’a pas entendu, il n’a pas prêté attention à ce qui se poursuivait autour de lui.

Les réprimandes telles que « tu n’as encore rien écouté »/ »il est paresseux » sont non seulement une injustice face à l’effort intense produit, mais en plus elles sont blessantes et incomprises par l’enfant.

La fatigue accumulée la journée peut avoir un retentissement important sur son équilibre.

Permettre l’accessibilité et les moyens de compensation

A partir du moment où le trouble est identifié, les parents comme l’enseignant vont pouvoir mieux s’adapter et fournir des outils à l’enfant.

Mettre en relief les lignes en les espaçant et en les surlignant par des couleurs différentes est un outil.

Ne pas surcharger une feuille en écrivant un exercice par feuille est un outil.

Proposer des formats pré-encadrés et en couleur pour poser les opérations est un outil.

Autoriser à l’enfant un buvard ou sa règle pour suivre la ligne pendant la lecture est un outil.

Alléger le travail de l’enfant est un outil.

Il existe un grand nombre d’aménagements très simples que les parents et l’enseignant peuvent faire pour rendre le support accessible.

Il ne s’agit pas de lui « faciliter le travail » mais réellement de contourner les difficultés qui ne peuvent être dépassées et fournir des moyens de compensation. Quand vous êtes myope, on vous fournit des lunettes adaptées à votre vue qui vont vous permettre de réaliser votre quotidien : c’est ici la même démarche.

La plate-forme du Cartable Fantastique : des outils très précieux

Présidée par Caroline Huron, l’association Le Cartable Fantastique croise les regards des sciences cognitives et de l’enseignement.

L‘équipe du Cartable Fantastique a mis à disposition une formidable plate-forme en ligne.

J’encourage vivement les parents ou enseignants concernés à aller voir ce dispositif, s’ils ne l’ont pas encore fait.

Le site web du Cartable Fantastique propose en effet de nombreux conseils, outils et supports pour adapter la scolarité de l’enfant. On peut également s’inscrire gratuitement et bénéficier d’outils supplémentaires adaptés au niveau scolaire de l’enfant.

L’aide de l’ordinateur

La reconnaissance du handicap ouvre l’accès à des droits et des aides, notamment pour financer du matériel comme l’ordinateur qui peut être proposé à partir du CP.

Pourquoi l’ordinateur ?

Pour comparaison, imaginez la complexité de jouer une note quand vous apprenez le violon: vous devez avoir la bonne position de l’instrument sur l’épaule, la bonne tenue de l’archer, le bon positionnement des doigts sur un manche dépourvu de repères ou de frettes… commencer à sortir des notes justes demande souvent plusieurs mois de travail.

Face à ça, le piano: un doigt sur la touche et la note sort proprement, qu’on soit pianiste ou non.

Comme le piano, le clavier de l’ordinateur produit une lettre en appuyant sur une touche. En contournant l’écriture, il ouvre à l’enfant de grandes perspectives. Spécialement conçu, ses logiciels produisent tout les supports de compensation : mise en relief, couleurs, géométrie numérique…

Comment diagnostiquer la dyspraxie ?

Tout enfant maladroit ou présentant des retards dans son développement n’est pas dyspraxique ! Si de nombreux signes peuvent être évocateurs, identifier clairement le trouble requiert une évaluation pluridisciplinaire et le diagnostic relève de la compétence médicale.

Après les difficultés repérées à la maison, les premières alertes commencent bien souvent durant l’école maternelle.

L’enfant se montre « maladroit » sur le plan moteur, graphique, il a le plus grand mal à se repérer dans l’espace ou sur une feuille, il ne cherche pas à dessiner, il a des difficultés à dénombrer des objets, à courir ou sauter, à colorier, découper, manipuler des éléments fins comme des gommettes.

Les alertes du parent, du médecin scolaire ou de l’enseignant vont permettre d’orienter l’enfant vers les professionnels pour confirmer ou infirmer l’éventualité dyspraxique.

Chaque département dispose d’un Centre Référent des Troubles des Apprentissages.  Dans les faits, les délais pour les évaluations peuvent être extrêmement longs.

Cette attente de diagnostic n’empêche pas la famille de mettre en place de nombreuses démarches pour ne pas perdre de temps, notamment en engageant certaines évaluations qui aideront par la suite au diagnostic et aux propositions d’aides :

– bilan orthophonique (pris en charge par la Sécurité Sociale)

– bilan ophtalmique et bilan orthoptique (pris en charge par la Sécurité Sociale)

bilan psychomoteur et/ou bilan ergothérapique (non pris en charge pas la Sécurité Sociale)

– Ils peuvent rencontrer/solliciter le médecin scolaire et le psychologue scolaire.

Dans l’attente d’un diagnostic précis, les parents ou les enseignants peuvent dans tous les cas essayer de proposer des aménagements simples à l’enfant, en tester la pertinence: opter pour des bandes velcro sur les vêtements et les chaussures, surligner/colorer/mettre en relief les textes à lire, photocopier les leçons, proposer des formats adaptés pour poser les opérations etc… (cf plate-forme Le Cartable Fantastique)

Le bilan neuropsychologique : une démarche déterminante

Les apports du bilan neuropsychologique seront déterminants dans le diagnostic/affinement du diagnostic de la dyspraxie.

Ces évaluations permettent aussi – et c’est très important-  de mettre en évidence les déficits et les ressources : concrètement ce sur quoi on va pouvoir s’appuyer pour aider l’enfant.

Le bilan neuropsychologique est pris en charge dans certaines structures comme le Centre Référent, CMP, CMPP etc.. Mais face à la surcharge des services et aux très longs délais, ces bilans peuvent par ailleurs être réalisés auprès de neuropsychologues exerçant en libéral.

Ils ne sont toutefois pas remboursés par la Sécurité Sociale.

La solution libérale devient toutefois indispensable pour le diagnostic d’une personne âgée de plus de 16 ans, les Centres Référents des Troubles des Apprentissages ne recevant plus au delà de cet âge.

C’est un médecin qui va finalement poser le diagnostic et établir les documents permettant l’ouverture de l’accompagnement notamment de la MDPH: aides financières compensatoires pour financer par exemple de l’ergothérapie, l’attribution d’un auxiliaire de vie scolaire individuel (AVSI) pour accompagner l’enfant en classe, l’acquisition d’un ordinateur, mise en place d’un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) coordonné par l’enseignant référent

Le rôle du psychologue ?

Ma place de psychologue et de psychothérapeute va davantage concerner l’incidence du trouble en terme de souffrance psychique, avec proposition d’accompagnement si cela s’avère nécessaire.

La dyspraxie peut en effet fortement impacter l’enfant dans son estime, la confiance envers lui-même et l’autre. L’espace offert permet à l’enfant de soutenir et de déployer les compétences préservées, croire à ses potentialités souvent très conséquentes, accepter ses difficultés et mieux vivre sa vie d’enfant.

Les parents ont par ailleurs besoin d’être conseillés dans les démarches à produire, les professionnels ou les structures à solliciter. La conception que j’ai de ma fonction auprès des enfants accorde une importance cruciale à la coordination interpartenariale.

Il est important de pouvoir impulser des échanges, fédérer les acteurs gravitant autour de l’enfant, travailler en lien avec l’école si la famille l’autorise.

Le maillage inter-professionnel tissé autour de l’enfant est infiniment plus efficient que des actions isolées, s’avère très rassurant pour les parents comme pour le jeune.

Guillaume Nguyen

 

 

 

 

 

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