Lorsqu’un enfant ou un adolescent refuse d’aller à l’école, il peut s’agir de troubles psychiques appelés souvent phobie scolaire ou refus scolaire anxieux et qui nécessitent d’être rapidement pris en charge.
Phobie scolaire, refus scolaire anxieux, anxiété de séparation… quelle différence ?
Bien qu’ils soient couramment utilisés, les termes « phobie scolaire » ou « refus scolaire anxieux » ne sont pas reconnus comme entité diagnostique dans les classifications internationales des troubles mentaux.
La classification DSM-V l’inclut par exemple parmi les critères de l’anxiété de séparation, comme l’expression comportementale d’un trouble anxieux.
Seule la Classification Française de Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFTMEA) répertorie la phobie scolaire comme une entité clinique à part entière : «manifestations d’angoisse majeure avec un phénomène de panique liée à la fréquentation scolaire, ce qui interdit sa poursuite sous les formes habituelles».
Si la conséquence est le refus de se rendre à l’école, ce trouble implique en effet un large panel de manifestations cliniques dont la dynamique sous-jacente et centrale peut varier, raison pour laquelle il semble plus pertinent de parler de refus scolaire anxieux.
Dans son article publié en 2024, Stéphanie Lavaud cite le Dr Denis reprenant l’analyse fonctionnelle de Kearney et Silverman autour de quatre types de personnalité présentant un refus scolaire anxieux.
Pour certains enfants l’anxiété de séparation prédominera, quand d’autres l’anxiété sociale sera davantage au centre du trouble. D’autres refus seront organisés autour d’un trouble panique, d’un trouble anxieux généralisé…
En consultation, les motifs verbalisés par mes jeunes patients sont très variables : peur d’aller en classe, peur d’aller au tableau, inquiétude autour des notes ou de la situation d’évaluation, peur de se faire gronder par l’enseignant, peur de se faire moquer des camarades, peur d’être interrogé, peur de traverser la cour, peur du regard des autres, peur de certains élèves, peur de vomir, peur de manger en public à la cantine…
Les symptômes sont souvent très invalidants et source de grande souffrance.
Comprendre les symptômes et la dynamique du refus scolaire anxieux
L’important avant tout est de cerner la dynamique psychique sous-jacente conduisant au refus (ou la difficulté) de se rendre à l’école en vue d’établir des actions et un projet de soins adéquats.
Bien sûr et avant toute chose, il est indispensable de s’assurer que l’enfant ou l’adolescent ne souffre d’aucune situation de danger telle que harcèlement, violence ou racket. Il est également nécessaire de vérifier les espaces numériques où de plus en plus souvent se produit le harcèlement entre jeunes sur les réseaux sociaux, les groupes de conversation (whatsapp, snapchat, messenger…) et les SMS. J’avais à ce sujet consacré un billet blog sur les dangers liés aux écrans chez l’enfant et l’adolescent.
Soigner un refus scolaire anxieux
Dans le cas d’un refus scolaire anxieux, le trouble doit être pris en charge le plus tôt possible.
Il y a cette urgence de ne pas laisser s’installer et s’aggraver le processus, éviter l’absentéisme partiel ou total de l’enfant aux conséquences dramatique sur son développement social, sa santé psychique, sa vie familiale.
Cela implique une mobilisation rapide de la famille, de l’établissement scolaire et du corps soignant.
Dans mon quotidien professionnel et avec l’accord des familles, je travaille souvent en lien étroit avec les infirmières scolaires des collèges et lycées qui font un remarquable de repérage et de liaison vers les structures de soins ou les professionnels libéraux.
Quels sont les symptômes d’une phobie scolaire ou d’un refus scolaire anxieux ?
Les symptômes apparaissent lorsque l’enfant ou l’adolescent se confronte à la situation qui l’angoisse (trajet scolaire, arrivée au portail, traversée de la cour de récréation, entrée en classe…).
Les plaintes concernent des manifestations somatiques (douleurs abdominales, boule dans la gorge, oppression thoracique, difficultés à respirer, tremblements, vertiges, maux de têtes, vertiges, attaques de paniques, envie irrépressible d’uriner ou d’aller à la selle…) associées à un intense inconfort émotionnel.
Les symptômes disparaissent lorsque le patient n’est pas à l’école (weekend, vacances) et réapparaissent à l’approche du lundi matin ou des rentrées scolaires. On retrouve souvent une forte anticipation la veille au soir associées à des perturbations du sommeil.
La souffrance psychique est d’autant plus intense chez nombre de ces patients qui sont sérieux et qui investissent leur scolarité.
Si la dynamique centrale du trouble varie d’un patient à l’autre, on retrouve cette stratégie d’évitement de la situation anxiogène qui va apparaître comme une solution immédiate pour réduire l’anxiété.
Des comportements d’évitement commencent à se manifester : prétexter être malade le matin, refuser d’entrer ou de sortir de la voiture, s’enfuir, pleurer, s’accrocher à son parent, « sécher » les cours, se cacher dans les toilettes, quitter fréquemment la classe pour aller à l’infirmerie…
Pour les patients collégiens et les lycéens, les journées les plus longues sont souvent redoutées.
Collaboration entre l’enfant, la famille, l’établissement scolaire et les soignants
Il me semble indispensable de tout de suite mobiliser les ressources familiales et le réseau professionnel gravitant autour du patient.
Les comportements de l’enfant peuvent être spectaculaires (cris, douleurs, pleurs, scènes de déchirement devant le portail de l’école…) et très fortement déstabiliser ou culpabiliser les parents.
Accueillir la situation de crise dans le cadre contenant d’une consultation avec un professionnel de santé (pédopsychiatre, psychologue, psychologue scolaire, infirmier, médecin traitant…) est déjà une première prise de recul sur ce qu’il se passe.
Lorsque je rencontre en consultation thérapeutique ces situations, nous commençons par mettre à plat les difficultés et les symptômes rencontrés, cerner l’anxiété et évaluer l’intensité du trouble, écouter l’enfant et les cognitions anxieuses qui le font souffrir, écouter le vécu de chacun des parents face à l’anxiété de l’enfant.
Nous posons des mots sur ce qu’il se passe, j’explique à l’enfant ou l’ado le trouble, on discute des premières pistes d’action et je propose généralement aux familles de faire le lien avec l’école (enseignant, l’infirmière, médecin scolaire…).
Vers qui se tourner en cas de refus scolaire anxieux ou de phobie scolaire ?
Les familles peuvent solliciter le psychologue scolaire, des professionnels libéraux, des structures de soins ou des associations (CMP, CMPP, Maison des Adolescents, points d’écoute…).
Si les consultations sont gratuites sur les structures de soins publiques et remboursées auprès d’un pédopsychiatre, le dispositif médical souffre de manques de moyens et il est nécessaire d’informer des délais souvent très longs d’accès à une première consultation.
Les délais sont beaucoup généralement plus rapides avec un psychologue en libéral.
Si les objectifs de soin convergent vers le retour scolaire, il doivent aussi accompagner l’enfant ou l’adolescent à identifier son anxiété et la gérer, développer sa confiance en soi et son affirmation. Ils doivent aussi viser le soutien des parents.
Que peut faire le collège ou lycée en cas de refus scolaire anxieux ?
Du côté des établissements scolaires, je vois au quotidien la réactivité des collèges et des lycées qui proposent tout de suite l’éventail des pistes possibles de leur côté pour soulager l’enfant.
Le médecin scolaire peut coordonner des aménagements via un PAI (Proget d’Accueil Individualisé). Les propositions que j’observe sur le terrain sont souvent la diminution du nombre d’heures de cours, réaliser certains cours seuls, possibilité de sortir du cours pour prendre l’air, possibilité d’aller à l’infirmerie….
Dans certains cas de déscolarisation installée, des aménagements avec un CNED partiel sont proposés permettant un retour très progressif vers l’établissement scolaires.
Dans les cas les plus sévères et installés (repli, dépression grave…) il peut y avoir des hospitalisations. Là encore, les structures souffrent des manques de moyens, il peut y avoir de l’attente, le dispositif d’hospitalisation n’est forcément pas bien adapté à ces problématiques… C’est ainsi que dans notre département de l’Hérault, le CMP Peyre-Plantade du CHU de Montpellier a développé une unité spécifique du refus scolaire anxieux pour un public 11-16 ans et travaillant en lien avec les établissements scolaires.
Le refus scolaire anxieux est une urgence thérapeutique
Le refus scolaire anxieux est aujourd’hui bien mieux compris tant dans ses manifestations que dans les aides à apporter à l’enfant et la famille.
Dans son article très intéressant sur le refus scolaire anxieux, le Dr Hélène Denis (psychiatre au CHU de Montpellier) reprend Okuyama et Al. (1999) : « il s’agit d’une urgence thérapeutique« .
Une prise en charge rapide et une collaboration étroite entre la famille, l’enfant, l’école et les soignants sera bien souvent déterminante dans ces situations.